poésie
3 min
Une tête bien remplie
Clémence PETIT
Dans sa cervelle se promènent
Ainsi qu’en leur appartement
Non pas un chat, c’est évident,
Mais plusieurs centaines d’étudiants.
Pour certain ils sont l’avenir
Pour d’autres ce sont des insupportables
Mais qu’importe les dires,
Leur ambition est inépuisable
Et c’est ce qui les pousse à franchir les grandes portes
C’est ce qui les porte à fouler ces larges couloirs
Qu’ils deviennent ministre ou chômeur, qu’importe
Ils auront appris à aimer se rapprocher du savoir.
Mais il est un secret bien gardé
Qu’aucun n’a même songé effleurer.
S’il vous prend l’envie de le percer à jour,
Il vous faudra vous armer de courage.
Il vous semblera être victime d’un mirage
Et personne ne vous sera d’aucun secours
Car ce que vous verrez, vous ne l’accepterez pas
Comment exiger qu’un autre vous croit ?
C’est une épreuve que vous affronterez seul
Oubliez la vantardise et l’orgueil ;
Sa révélation sera votre linceul
Vous resterez dans le vrai si vous ouvrez l’œil
Et si vous acceptez de croire au démesuré.
Il faut rester jusque tard dans les couloirs
Pour mieux entendre et mieux voir.
Lorsque tout le monde est parti,
Faites vous tout petit.
Il faut monter le plus haut possible
Pour s’approcher de l’invisible
Prendre de la hauteur
Pour tomber de plus haut
Laisser passer les heures
Jusqu’à ce que dorment les corbeaux
Et alors se révèle le secret de l’institution
Au blason du renard et du lion :
L’école n’est pas que dédale de salles,
C’est en fait un organe
De nature cérébrale,
Que nul ne profane.
Le bâtiment est le crâne d’un géant
Allongé sur le trottoir
Un monstre qui nous sourit de toutes ses dents
Et qui dort le soir.
Lorsqu'au matin, huit heures sonnent, il se réveille
Sort de sa torpeur et émerveille
Chacun des bons hommes en classe
Sont neurones, sont synapses
Et à eux tous forment la matière grise
De la chose qui les catalyse.
L’information circule en jean et en basket
On s’agite pour faire fonctionner sa tête
Et personne ne soupçonne
Sa contribution carbone.
C’est une entité émancipée portée par les pensées de chacun
L’effusion de connaissances le réveille chaque matin,
Son hippocampe s’ébroue, son cervelet s’agite
Tandis que toute la journée les petits êtres cogitent
On réfléchit, mais c’est pour lui
Tous ensemble on lui donne vie
Et lorsqu’ils s’en vont lorsque tombe la nuit,
Le géant s’endort
Dans le silence d’or.
Quand il est assoupi,
Les artères désertes s’ennuient.
Les couloirs, ces tristes sires
Regrettent aussitôt tous ces drôles de sbires
L’échos de leurs pas,
Le bruit de leurs voix
Il ne reste plus rien de leur chanson de vie
Plus rien qui de ne leur donne plus envie
Les carreaux de mosaïques se sentent bien seuls sans les piétinements de ces grands enfants
Les murs n’ont plus comme habits que les traces des passants : les affiches et les slogans
La verrière regarde d’un œil vide l’espace livide désormais presque liquide
De ces hauts espaces coupés dans la pierre,
Il ne reste plus que le parfum du désert;
Les couloirs sont vides.
En dehors de ces bouts de vrai
De ces fantômes rieurs
De ces simagrées et ces pans de grès
Le grand hall retient ses pleurs
Il ne peut plus rien faire d’autre que rêver
En attendant le retour de ses bien aimés
Car bien que pour un temps affairés,
Les dendrites doivent se reposer.
Mais pourquoi le géant ne part-il pas se balader dans Paris,
Ou même dans la vie, me diriez-vous ?
C’est que la vie a un prix
C’est que lui c’est nous.
S’il se levait d’un coup,
Nous pensant simples poux,
On tomberait des couloirs de son crâne,
Et il deviendrait aussitôt âne.
Alors il se terre, il se tait,
Il préfère nous écouter,
Il apprend de nous tandis qu’on apprend de lui
Car dans sa tête la bibliothèque a trouvé logis,
Et chaque soir lorsqu’on le laisse
Il accepte de rester en laisse
Pour mieux nous retrouver
Lorsque le soir a passé.
Seul, il n’a même plus la force de penser
Car à plusieurs, c’est toujours plus aisé,
Alors il dort, il dort comme un bébé
Pour échapper surtout à cette terrible réalité :
S’il cesse de penser, il n’est plus
Si l’on cesse de se pousser, on est perdus.
C’est un long labeur qu’on mène ensemble,
C’est que chacun est une partie du tout
Personne ne se ressemble
Tout le monde est un peu fou
Mais rien n’est bien grave
Puisqu’on est dans le crâne
D’un titan qui, seul, bave
Pour qui notre absence est profane
Alors ce soir, lorsque vous tournerez le dos aux grilles grises
Jetez un coup d’œil et ne vous perdez pas en analyses ;
Profitez de le voir alors qu’il se vide la tête
Et ne vous sentez plus jamais bête.
Sans nous, il n’est rien d’autre que rien,
Sans doute, ce qu’on apprend n’est jamais vain
Si Golem il y a, c’est aussi parce qu’il y a toi
Ainsi qu’en leur appartement
Non pas un chat, c’est évident,
Mais plusieurs centaines d’étudiants.
Pour certain ils sont l’avenir
Pour d’autres ce sont des insupportables
Mais qu’importe les dires,
Leur ambition est inépuisable
Et c’est ce qui les pousse à franchir les grandes portes
C’est ce qui les porte à fouler ces larges couloirs
Qu’ils deviennent ministre ou chômeur, qu’importe
Ils auront appris à aimer se rapprocher du savoir.
Mais il est un secret bien gardé
Qu’aucun n’a même songé effleurer.
S’il vous prend l’envie de le percer à jour,
Il vous faudra vous armer de courage.
Il vous semblera être victime d’un mirage
Et personne ne vous sera d’aucun secours
Car ce que vous verrez, vous ne l’accepterez pas
Comment exiger qu’un autre vous croit ?
C’est une épreuve que vous affronterez seul
Oubliez la vantardise et l’orgueil ;
Sa révélation sera votre linceul
Vous resterez dans le vrai si vous ouvrez l’œil
Et si vous acceptez de croire au démesuré.
Il faut rester jusque tard dans les couloirs
Pour mieux entendre et mieux voir.
Lorsque tout le monde est parti,
Faites vous tout petit.
Il faut monter le plus haut possible
Pour s’approcher de l’invisible
Prendre de la hauteur
Pour tomber de plus haut
Laisser passer les heures
Jusqu’à ce que dorment les corbeaux
Et alors se révèle le secret de l’institution
Au blason du renard et du lion :
L’école n’est pas que dédale de salles,
C’est en fait un organe
De nature cérébrale,
Que nul ne profane.
Le bâtiment est le crâne d’un géant
Allongé sur le trottoir
Un monstre qui nous sourit de toutes ses dents
Et qui dort le soir.
Lorsqu'au matin, huit heures sonnent, il se réveille
Sort de sa torpeur et émerveille
Chacun des bons hommes en classe
Sont neurones, sont synapses
Et à eux tous forment la matière grise
De la chose qui les catalyse.
L’information circule en jean et en basket
On s’agite pour faire fonctionner sa tête
Et personne ne soupçonne
Sa contribution carbone.
C’est une entité émancipée portée par les pensées de chacun
L’effusion de connaissances le réveille chaque matin,
Son hippocampe s’ébroue, son cervelet s’agite
Tandis que toute la journée les petits êtres cogitent
On réfléchit, mais c’est pour lui
Tous ensemble on lui donne vie
Et lorsqu’ils s’en vont lorsque tombe la nuit,
Le géant s’endort
Dans le silence d’or.
Quand il est assoupi,
Les artères désertes s’ennuient.
Les couloirs, ces tristes sires
Regrettent aussitôt tous ces drôles de sbires
L’échos de leurs pas,
Le bruit de leurs voix
Il ne reste plus rien de leur chanson de vie
Plus rien qui de ne leur donne plus envie
Les carreaux de mosaïques se sentent bien seuls sans les piétinements de ces grands enfants
Les murs n’ont plus comme habits que les traces des passants : les affiches et les slogans
La verrière regarde d’un œil vide l’espace livide désormais presque liquide
De ces hauts espaces coupés dans la pierre,
Il ne reste plus que le parfum du désert;
Les couloirs sont vides.
En dehors de ces bouts de vrai
De ces fantômes rieurs
De ces simagrées et ces pans de grès
Le grand hall retient ses pleurs
Il ne peut plus rien faire d’autre que rêver
En attendant le retour de ses bien aimés
Car bien que pour un temps affairés,
Les dendrites doivent se reposer.
Mais pourquoi le géant ne part-il pas se balader dans Paris,
Ou même dans la vie, me diriez-vous ?
C’est que la vie a un prix
C’est que lui c’est nous.
S’il se levait d’un coup,
Nous pensant simples poux,
On tomberait des couloirs de son crâne,
Et il deviendrait aussitôt âne.
Alors il se terre, il se tait,
Il préfère nous écouter,
Il apprend de nous tandis qu’on apprend de lui
Car dans sa tête la bibliothèque a trouvé logis,
Et chaque soir lorsqu’on le laisse
Il accepte de rester en laisse
Pour mieux nous retrouver
Lorsque le soir a passé.
Seul, il n’a même plus la force de penser
Car à plusieurs, c’est toujours plus aisé,
Alors il dort, il dort comme un bébé
Pour échapper surtout à cette terrible réalité :
S’il cesse de penser, il n’est plus
Si l’on cesse de se pousser, on est perdus.
C’est un long labeur qu’on mène ensemble,
C’est que chacun est une partie du tout
Personne ne se ressemble
Tout le monde est un peu fou
Mais rien n’est bien grave
Puisqu’on est dans le crâne
D’un titan qui, seul, bave
Pour qui notre absence est profane
Alors ce soir, lorsque vous tournerez le dos aux grilles grises
Jetez un coup d’œil et ne vous perdez pas en analyses ;
Profitez de le voir alors qu’il se vide la tête
Et ne vous sentez plus jamais bête.
Sans nous, il n’est rien d’autre que rien,
Sans doute, ce qu’on apprend n’est jamais vain
Si Golem il y a, c’est aussi parce qu’il y a toi
Ici, on lit et on écrit des histoires courtes
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