Le coude de la place d'Italie

Ella Majha

Ella Majha

Après deux récoltes exceptionnelles en 1925 et 1926, Jacob Banning avait décidé de se faire construire une jolie maison. 

Place d'Italie, bientôt arrivée. Comme chaque mardi soir, le trajet parait interminable. 

Celle que Pete et Flory avaient connue enfants datait d'avant la guerre de Sécession et, au fil des années, elle avait été agrandie et rénovée. 

Soudain, un coude me bouscule. Un geste maladroit, presque déplacé au milieu de ce carré pourtant si calme et studieux. Quoiqu'il en soit, j'arrivais à destination et devais troquer rapidement mes champs de coton du Mississipi contre les pavés parisiens ; mais cette perturbation m'y déloge plus tôt que prévu et m'agace. Instinctivement, je tourne la tête pour découvrir l'auteur de la bousculade. 

« Oh, excusez-moi. Vu que tout le monde lit je me suis dit que moi aussi, j'allais m'y mettre ». 

Malgré sa petite taille, elle semble à l'étroit sur ce siège de métro. Engoncée dans son manteau noir, prisonnière du lourd sac en daim posé sur ses genoux, elle peine à extirper le livre glissé dans sa poche. 

Elle rigole. Derrière son masque, je devine un sourire gêné. Je fixe ses yeux et son regard apaise mon agacement. Je ressens aussitôt un mélange de sympathie et de compassion ; j'entrevois en elle une solitude qui me touche. 

Le bruit des portes qui s'ouvrent me ramène subitement à la réalité. 

« Ce n'est pas grave. Bonne lecture dans ce cas, profitez bien de votre livre. Au revoir ».

A peine ai-je le temps de ma faufiler entre les portes du métro que la rame reprend sa course, me laissant seule sur le quai et me faisant aussitôt regretter de ne pas avoir reçu ce coup de coude plus tôt. 

Ici, on lit et on écrit des histoires courtes

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