Fiction
2 min
Il pleure
Hortense Gauthier
En 2085.
Les vagues devant moi s’agitent et s’adonnent à une danse virevoltante et légère. L’écume mousseuse avance et repart, sur les rochers de la jetée. Le ciel est gris et les nuages sont denses ; il va bientôt pleuvoir.
Mais cette pluie, sera-t-elle authentique ?
Grâce aux innovations techniques, les hommes peuvent maintenant contrôler les nuages, et les faire pleuvoir instantanément, de n’importe où, si besoin il y a. Et souvent, besoin il y a. Les nuages sont ces esclaves silencieux qui pourtant siègent au-dessus du monde.
Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec les inventions récentes, qui permettent à chaque individu de contrôler ses émotions, et donc ses larmes. Apparemment, nombreux sont ceux qui rêvent de ne plus pleurer… Ou de pleurer quand ils le veulent.
Alors quoi, après avoir privé les nuages de leur liberté de pleurer, de leur nuagité, ce sont les Hommes que l’on assèche de leur humanité ?
Cela m’attriste ; le ciel est lourd, et mon cœur aussi.
Je lève les yeux pour observer les nuages, qui se regroupent au-dessus de ma tête, se préparant à la tempête. D’immenses arabesques grises se mêlent les unes aux autres, contrastées par la lumière blanche et perçante du soleil. Fascinée par leurs mouvements, je plisse les yeux, mais je ne détourne pas le regard. Je vois les grondements qui sortent de ce tapis orageux, et j’entends la bonne odeur des temps humides, celle des moments où la pluie s’apprête à tomber. Mes sens s'entremêlent.
Soudain, il commence à pleuvoir. Presque au même moment, je commence à pleurer. Les gouttes de cette pluie sans doute artificielle se mêlent à ma pluie de larmes, et mes joues sont trempées.
Je n’arrive plus à démêler le faux du vrai. Entre mes larmes et les gouttes qui s’y mêlent, lesquelles sont authentiques, exemptes de la mainmise technologique ? Aucune, sûrement...
Malgré la tempête, un calme intérieur m’envahit. La justesse du moment me touche à tel point que j’ai l’impression de flotter avec eux, avec ces nuages qui m’inondent de leurs larmes. Cette connexion profonde m’apaise, et je perds le cours de mes pensées grises. Alors que mes sanglots s’arrêtent, les nuages continuent de pleurer pour moi, de toute leur tempête.
Leur animosité est palpable. Il se passe quelque chose, je le sens. Ils parlent, ils s’expriment et s’esclaffent : ils se moquent de notre contrôle. Ce déchaînement croissant face auquel je suis immobile n’est autre que leur colère, qui enfin tombe sur les Hommes.
Aujourd'hui il ne pleut pas. Il pleure.
Les vagues devant moi s’agitent et s’adonnent à une danse virevoltante et légère. L’écume mousseuse avance et repart, sur les rochers de la jetée. Le ciel est gris et les nuages sont denses ; il va bientôt pleuvoir.
Mais cette pluie, sera-t-elle authentique ?
Grâce aux innovations techniques, les hommes peuvent maintenant contrôler les nuages, et les faire pleuvoir instantanément, de n’importe où, si besoin il y a. Et souvent, besoin il y a. Les nuages sont ces esclaves silencieux qui pourtant siègent au-dessus du monde.
Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec les inventions récentes, qui permettent à chaque individu de contrôler ses émotions, et donc ses larmes. Apparemment, nombreux sont ceux qui rêvent de ne plus pleurer… Ou de pleurer quand ils le veulent.
Alors quoi, après avoir privé les nuages de leur liberté de pleurer, de leur nuagité, ce sont les Hommes que l’on assèche de leur humanité ?
Cela m’attriste ; le ciel est lourd, et mon cœur aussi.
Je lève les yeux pour observer les nuages, qui se regroupent au-dessus de ma tête, se préparant à la tempête. D’immenses arabesques grises se mêlent les unes aux autres, contrastées par la lumière blanche et perçante du soleil. Fascinée par leurs mouvements, je plisse les yeux, mais je ne détourne pas le regard. Je vois les grondements qui sortent de ce tapis orageux, et j’entends la bonne odeur des temps humides, celle des moments où la pluie s’apprête à tomber. Mes sens s'entremêlent.
Soudain, il commence à pleuvoir. Presque au même moment, je commence à pleurer. Les gouttes de cette pluie sans doute artificielle se mêlent à ma pluie de larmes, et mes joues sont trempées.
Je n’arrive plus à démêler le faux du vrai. Entre mes larmes et les gouttes qui s’y mêlent, lesquelles sont authentiques, exemptes de la mainmise technologique ? Aucune, sûrement...
Malgré la tempête, un calme intérieur m’envahit. La justesse du moment me touche à tel point que j’ai l’impression de flotter avec eux, avec ces nuages qui m’inondent de leurs larmes. Cette connexion profonde m’apaise, et je perds le cours de mes pensées grises. Alors que mes sanglots s’arrêtent, les nuages continuent de pleurer pour moi, de toute leur tempête.
Leur animosité est palpable. Il se passe quelque chose, je le sens. Ils parlent, ils s’expriment et s’esclaffent : ils se moquent de notre contrôle. Ce déchaînement croissant face auquel je suis immobile n’est autre que leur colère, qui enfin tombe sur les Hommes.
Aujourd'hui il ne pleut pas. Il pleure.
Ce texte a été rédigé par un(e) étudiant(e) ayant participé à l'atelier d'écriture de création "Autour des nuages" dispensé par Mathieu Simonet au Centre d'écriture et de rhétorique de Sciences Po au semestre d'automne 2023.
Ici, on lit et on écrit des histoires courtes
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