instant de vie
1 min
Femme à la fenêtre
Amalthée Dupuy Lacueille
Il y a le temps qui passe, ce temps qui ne fait que passer. Ce matin, elle avait envie qu'il s'arrête, ou du moins qu'il ralentisse. Qu'elle puisse le modeler à sa guise, entrer à l'intérieur, rallonger les heures en faisant décélérer les secondes. Elle s'imagine horlogère, elle pourrait arrêter des montres, redémarrer les pendules, changer des aiguilles, elle serait maîtresse du temps. Elle pourrait revenir en arrière, il y a quelques semaines par exemple, ou bien aller plus loin, et sauter cette matinée étrange. Elle s'était réveillée vers 8 heures, était sortie de son lit et était allée s'asseoir dans le salon, sans même s'habiller, ses seuls chaussons protégeant ses pieds encore froids de la nuit.
Hier, Louis est mort. Elle avait passé sa journée au téléphone. Elle avait appelé la mère de Louis en premier, et puis ses amis. Elle avait ensuite dû appeler ses parents à elle, et répondre aux questions de l'hôpital. La journée s'était ainsi écoulée : elle avait géré une mort, comme on déplace un rendez-vous, comme on programme un week-end. Elle avait administrativement pris en charge l'événement.
Ce matin, elle ne savait pas que Louis était mort. Elle n'avait pas encore pleuré, et cet après-midi elle devait aller aux pompes funèbres pour organiser la suite. Peut-être que Louis allait revenir ? Après tout, les mots, les papiers, toute cette organisation n'était que provisoire, qu'un moment à gérer, que des dossiers à remplir, que des choix de couleur de bois, de formes de pierres, mais après ça, ce sera bon, il reviendra ?
Son regard fixe l'angle de la rue d'en face, là où se dessine le matin une queue devant la boulangerie. Louis achète une baguette et deux croissants quelques matins par semaine. Elle ne le voit pas attendre à l'extérieur, il doit être à l'intérieur en train de commander. Il ne va pas tarder à revenir.
Hier, Louis est mort. Elle avait passé sa journée au téléphone. Elle avait appelé la mère de Louis en premier, et puis ses amis. Elle avait ensuite dû appeler ses parents à elle, et répondre aux questions de l'hôpital. La journée s'était ainsi écoulée : elle avait géré une mort, comme on déplace un rendez-vous, comme on programme un week-end. Elle avait administrativement pris en charge l'événement.
Ce matin, elle ne savait pas que Louis était mort. Elle n'avait pas encore pleuré, et cet après-midi elle devait aller aux pompes funèbres pour organiser la suite. Peut-être que Louis allait revenir ? Après tout, les mots, les papiers, toute cette organisation n'était que provisoire, qu'un moment à gérer, que des dossiers à remplir, que des choix de couleur de bois, de formes de pierres, mais après ça, ce sera bon, il reviendra ?
Son regard fixe l'angle de la rue d'en face, là où se dessine le matin une queue devant la boulangerie. Louis achète une baguette et deux croissants quelques matins par semaine. Elle ne le voit pas attendre à l'extérieur, il doit être à l'intérieur en train de commander. Il ne va pas tarder à revenir.
Ce texte a été rédigé par un(e) étudiant(e) ayant participé à l'atelier d'écriture de création "De la lecture à l'écriture" dispensé par Isabelle Carré au Centre d'écriture et de rhétorique de Sciences Po au semestre de printemps 2023.
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