Pensées
2 min
Avis inobjectif sans aucun objectif
Gabriel Pham
À toi, à l'artiste que tu seras, j'en suis sûr.
Acte I : La liberté
En cette vie, je me suis beaucoup trompé. Je n'ai d'ailleurs fait que cela. J'ai cru en des discours sur le monde, en des histoires furibondes, en des systèmes de pensées et des idéologies névrosées. Chaque fois qu'une théorie s'évanouissait, je cherchais au plus vite à changer de chemin pour me libérer du gouffre de la désillusion dans lequel j'étais lâchement tombé. Sens-toi libre. Les erreurs sont les meilleures expériences qui puissent t'arriver.
Acte II : L'empathie
Il ne s'agit pas seulement de s'écouter. Il faut se comprendre. Alors je t'invite, toi et tes compagnons, au silence. Le silence désenclave, c'est dans le silence que tout est vraiment dit. La parole n'est que perception, elle est partielle et partiale, toujours orientée, biaisée, militante, la parole donne davantage de renseignements sur qui tu es et tes positions idéologiques que d'informations objectives sur le sujet dont tu crois parler.
Le silence relègue la parole et permet l'avènement des sensations. Tu ne peux aimer, rire, ressentir que parce que tout cela est vécu. Tes mots ne sont rien. Les miens se sont perdus. Ils n'ont jamais su figer tout l'éclat du monde. Ils n'ont pris qu'une moitié de chaque corps, qu'une moitié de chaque pensée. Mais la totalité, seule je l'ai sentie comme un vécu de conscience.
Acte III : L'ignorance
N'oublie jamais que la littérature ne cherche pas l'exhaustivité. Nous n'avons pas toutes les informations factuelles à notre disposition, loin de là même puisque nous ne connaissons par exemple que 10% des profondeurs marines. N'oublie jamais que nous ne sommes pas des Homo sapiens mais des Homo ignorans, n'en déplaise à toutes ces personnes qui te diront que, elles, elles savent. Non, elles ignorent simplement leur ignorance.
Acte IV : Contre le travail
Nous avons grandi dans la frénésie de notre temps, incapable de fixer notre attention, emprisonnés dans une époque où chacun de nous veut tout faire, au risque de surfaire.
Chaque jour, tu auras l'impression de ne pas avoir assez travaillé, d'être encore et toujours en retard, malgré la contamination progressive de ton emploi du temps par le mot diabolique de « productivité ». Je crois que nos vies sont devenues industrielles, que le syndrome de l'imposteur n'est que la face plus sombre du symptôme, lui bénéfique, d'une curiosité inlassable. La curiosité est saine quand elle cherche à s'ouvrir pour elle-même sur des personnes, des œuvres, des connaissances nouvelles sans rien attendre en retour. Or, dès ton plus jeune âge, on t'a dit que tu apprenais pour être jugé·e, que l'on évaluerait régulièrement ton niveau, que tu serais comparé·e, mis·e dans des cases pour voir si oui ou non tu étais apte à intégrer ce que les hommes ont appelé la "société". Une société où l'art est malheureusement devenu un moyen de briller et non plus une fin en soi.
Voilà à quoi doit te servir la littérature. À regagner ce temps perdu, à en faire un objet en soi et à le protéger contre le vacarme extérieur. Ce sera ton unique bataille et ta véritable victoire.
Acte I : La liberté
En cette vie, je me suis beaucoup trompé. Je n'ai d'ailleurs fait que cela. J'ai cru en des discours sur le monde, en des histoires furibondes, en des systèmes de pensées et des idéologies névrosées. Chaque fois qu'une théorie s'évanouissait, je cherchais au plus vite à changer de chemin pour me libérer du gouffre de la désillusion dans lequel j'étais lâchement tombé. Sens-toi libre. Les erreurs sont les meilleures expériences qui puissent t'arriver.
Acte II : L'empathie
Il ne s'agit pas seulement de s'écouter. Il faut se comprendre. Alors je t'invite, toi et tes compagnons, au silence. Le silence désenclave, c'est dans le silence que tout est vraiment dit. La parole n'est que perception, elle est partielle et partiale, toujours orientée, biaisée, militante, la parole donne davantage de renseignements sur qui tu es et tes positions idéologiques que d'informations objectives sur le sujet dont tu crois parler.
Le silence relègue la parole et permet l'avènement des sensations. Tu ne peux aimer, rire, ressentir que parce que tout cela est vécu. Tes mots ne sont rien. Les miens se sont perdus. Ils n'ont jamais su figer tout l'éclat du monde. Ils n'ont pris qu'une moitié de chaque corps, qu'une moitié de chaque pensée. Mais la totalité, seule je l'ai sentie comme un vécu de conscience.
Acte III : L'ignorance
N'oublie jamais que la littérature ne cherche pas l'exhaustivité. Nous n'avons pas toutes les informations factuelles à notre disposition, loin de là même puisque nous ne connaissons par exemple que 10% des profondeurs marines. N'oublie jamais que nous ne sommes pas des Homo sapiens mais des Homo ignorans, n'en déplaise à toutes ces personnes qui te diront que, elles, elles savent. Non, elles ignorent simplement leur ignorance.
Acte IV : Contre le travail
Nous avons grandi dans la frénésie de notre temps, incapable de fixer notre attention, emprisonnés dans une époque où chacun de nous veut tout faire, au risque de surfaire.
Chaque jour, tu auras l'impression de ne pas avoir assez travaillé, d'être encore et toujours en retard, malgré la contamination progressive de ton emploi du temps par le mot diabolique de « productivité ». Je crois que nos vies sont devenues industrielles, que le syndrome de l'imposteur n'est que la face plus sombre du symptôme, lui bénéfique, d'une curiosité inlassable. La curiosité est saine quand elle cherche à s'ouvrir pour elle-même sur des personnes, des œuvres, des connaissances nouvelles sans rien attendre en retour. Or, dès ton plus jeune âge, on t'a dit que tu apprenais pour être jugé·e, que l'on évaluerait régulièrement ton niveau, que tu serais comparé·e, mis·e dans des cases pour voir si oui ou non tu étais apte à intégrer ce que les hommes ont appelé la "société". Une société où l'art est malheureusement devenu un moyen de briller et non plus une fin en soi.
Voilà à quoi doit te servir la littérature. À regagner ce temps perdu, à en faire un objet en soi et à le protéger contre le vacarme extérieur. Ce sera ton unique bataille et ta véritable victoire.
Ce texte a été rédigé par une étudiante ou un étudiant dans le cadre d'un atelier d'écriture de création dispensé par Alice Zeniter, titulaire de la Chaire d'écrivain en résidence du Centre d'écriture et de rhétorique de Sciences Po, au semestre d'automne 2021.
Ici, on lit et on écrit des histoires courtes
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